lundi 1 février 2010

Brigitte Bardot





B.B., peinture acrylique, 2009


Dans l'oeuvre de Martial Raysse, La Belle Mauve, où le visage iconique de Brigitte Bardot est recadré, agrandi, et sur lequel l'artiste intervient par colorisation (empreinte de bouche, soulignement du cou, maquillage ostentatoire) mais surtout avec le geste d'un plumeau planté fermement dans l'oeil de la star, Raysse affirme ici un culte ironique de l'icône, du plastique, des couleurs fluos. Pendant ce temps, l'image reste paisible, sensuelle, jeune et séduisante, l'objet et ses couleurs s'affadissent.

On pourrait alors s'interroger sur l'icône en général. Qui devient icône, pourquoi, comment. Comment vieilli une icône, qui plus est de beauté ? Quand s'arrête le statut d'icône ? Sur quels critères sont définies les icônes ?

Ce qui m'a intéressé, c'est l'icône dite de beauté qu'était Brigitte Bardot dans les années soixante, et désormais aujourd'hui, le fait qu'elle soit une femme qui a vieilli .. mais aussi ses choix personnels et politiques qui ont transformé l'icône, la très belle femme, l'idéal, en une vieille personne dont les choix pour la plupart sont critiquables. Qui choisi qu'une femme devienne une icône ? On pourrait s'interroger sur le devenir d'une icône. Très religieusement une icône c'est un saint, canonisé, ayant accompli des actes de bravoure, de générosité, ou traverser des épreuves insurmontables. Ce sont des personnages reconnaissables prenant une très grande place dans la religion catholique ou orthodoxe. Dans le sens contemporain, une icône, très généralement une femme, est une femme jugée comme très belle, représentant la dite beauté d'une époque. Le décalage est énorme, une icône féminine ne pourrait alors qu'être une icône de beauté ? Sa dite beauté seulement ferait d'elle une icône, un personnage reconnaissable et reconnu ? L'icône n'existerait-elle que part une idée de beauté ? On peut se le demander en observant autour de soi que les icônes, toutes pour la plupart des femmes, ne sont que des « objets » d'admiration non pas part ce qu'elles font, exercent, traversent, vivent, subissent, offrent, mais part ce qu'elles sont, c'est à dire jugées « belles ». Car en effet si les actes restent, la beauté elle se fane, elle est loin d'être éternelle, elle est éphémère et instable.

C'est donc sur cela que j'aimerais m'interroger, ce statut très contradictoire, donnant le dit « honneur » d'être une femme jugée comme belle, superbe, correspondant aux critères d'une beauté très calibrée, mais donnant aussi le triste honneur de n'être finalement qu'un visage, qu'un corps, que des traits jugés comme beaux, qui finiront un jour où l'autre par disparaître, que l'on oubliera, et qui laisseront place à la vieillesse voire la mort.


Cette interrogation autour du devenir de l'icône et de son statut ambiguë et contradictoire m'a fortement intéressé. Le fait qu'une icône de beauté ne soit qu'adulée que par sa bouche, ses yeux, son visage, son corps peut poser question dans le sens où nous savons tous que la beauté, la jeunesse ne sont que des « qualités » (si l'on peut les qualifier ainsi) éphémères, qui ne resteront jamais et seront un jour ou l'autre remplacées par la mort.

On peut le voir aussi avec la création pure et simple « d'icône » de beauté, lors de concours de beauté nationaux et internationaux. Les femmes (car il s'agit souvent de femmes), sont calibrées sur le même format, les mêmes critères de beauté, faisant une taille précise, un poids précis, ayant un visage, un sourire, une attitude très similaires les unes aux autres. Elles doivent ainsi défiler, montrant leurs « atouts » devant un jury et être jugées comme étant « la plus belle femme d'un/du pays/monde »

C'est sur cela que j'aimerais m'interroger, tout en gardant l'ironie de Raysse et en poursuivant avec l'icône des années 60, Brigitte Bardot.

En travaillant au départ avec une image d'elle d'aujourd'hui, ayant vieillie, je voulais réaliser une icône sur bois, en reprenant le style byzantin, mais en conservant les traits de Bardot, ses rides, son visage. Le résultat ne m'a pas réellement convaincue, en revanche le travail autour de ses traits, de ses rides m'a intéressé. J'ai donc poursuivi et au fur et à mesure j'ai fait quelques traits, puis seulement les rides, puis des agrandissements, jusqu'à ce que le visage ne soit pas immédiatement visible, mais qu'on soit face à des traits, à priori sans sens, sans logique mais qui sont en fait les traits, les rides de Brigitte Bardot, mais au delà d'être les rides de cette femme, ce sont des rides et cela est universel. Elles sont souvent pour tous les visages, semblables, situées pour tous aux mêmes endroits, plus ou moins marquées et personne n'y échappe.

Au début je voulais travailler cela sur la photographie originale de Brigitte Bardot qu'utilise Martial Raysse, mais je ne l'ai pas retrouvée. Puis j'ai essayé sur d'autres photos « cultes » d'elle. Par la suite je me suis interrogée si l'image devait être là, ou pas. Je parle plus au dessus d'une beauté, d'une jeunesse qui disparaissent, et en laissant son image de femme jeune et jugée belle, je ne traduis pas alors cette disparition qui m'intéresse. J'ai donc essayé sans l'image de Brigitte Bardot. J'ai alors obtenu des traits sur un fond vide, blanc, des traits qui étaient « grossièrement » les rides principales de Brigitte Bardot. J'ai essayé sur un papier au format A4 première, puis très vite j'ai agrandi pour réaliser finalement qu'il faudrait que cela soit au format comme celui de Raysse, très grand, format affiche. Je me suis demandé si les traits devaient apparaître sur papier, ou bien directement sur le mur, de façon à créer une installation in-situ.

Au niveau de la couleur des traits, j'aurai voulu reprendre le même langage que Raysse, c'est à dire ces couleurs fluos, plastiques, cet aspect séduisant pour traiter les traits des rides. On voit sur l'agrandissement de la photographie de Brigitte Bardot un trait rose fluo (faisant penser à un néon) soulignant le cou de la star. J'aimerais reprendre son épaisseur, sa régularité, son aspect, sa couleur.

L'idéal serait une installation utilisant le néon, cher à Raysse et important dans son travail. Le néon, comme le trait dessinerait les rides dans l'espace.